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Comment la pop culture et House of Cards nous apprennent l’importance du SEO

(Attention, cet article contient des spoilers sur certains films et séries, notamment sur la saison 4 d’House of Cards)

La nouvelle saison de Game of Thrones  à peine repartie, le monde de la pop culture et des amateurs de séries est indéniablement en émoi, dans une sorte de jubilation exaltée pour les 2 mois qui arrivent.

Si la pop culture a tant d’engouement aujourd’hui, à l’image de cette série, c’est parce qu’elle est un reflet de notre société, par miroir déformant, sublimant. Nos meilleurs et pires désirs et fantasmes sont portés dans des situations qui paraissent réelles, qui nous parlent : des super-héros, des intrigues, des jeux psychologiques… C’est notamment le cas de House of Cards, série mettant en scène des hommes politiques engagés dans une course au pouvoir aux Etats-Unis. Par jeux politiques, psychologiques, et relationnels, elles met en scène un anti-héros qui cristallise nos pulsions inavouées de pouvoir et manipulation jusqu’à ce qu’on finisse par s’attacher, voire aimer, ce double maléfique dépeint dans la série, pour encore mieux le détester.

Mais ce qui va nous intéresser en tant que professionnels du webmarketing dans cette série, c’est comment cette dernière saison qui vient de sortir (et en écho d’autres références du cinéma et des séries) a fait usage d’un outil que nous étudions et manipulons sans cesse au quotidien, les moteurs de recherche.

Pollyhop : ce Google fictionnel tout puissant de House of Cards

Pollyhop, le moteur de recherche de House of Cards

Pour résumer le contexte rapidement aux néophytes, dans cette saison, à l’approche des élections présidentielles, se font face le leader démocrate, héros de la série, et le leader républicain. Le leader démocrate doit dans le même temps garantir son investiture face à d’autres personnalités du même camp.

Dans cette course aux votes, le leader républicain a conclu dans le secret un accord avec une entreprise qui commercialise un moteur de recherche dominant aux Etats-Unis (sorte de pendant fictif de Google), afin d’influer sur la population. C’est un facteur clé de la course à la Maison-Blanche dans la série, ce moteur de recherche va jouer un rôle prépondérant tout au long des épisodes.

Ce qui va nous intéresser surtout dans ce cadre, c’est comment celui-ci est-il décrit ? Quelle est la compréhension d’un moteur de recherche et son impact aux yeux de scénaristes et producteurs hollywoodiens ? Que nous apprend la série sur la résonance de l’enjeu d’un moteur de recherche aux yeux du grand public, via le prisme de la pop-culture ? Il est suffisamment rare de voir les médias de masse parler de ce sujet, alors autant se pencher avec attention sur ce qui se dit…

Le pouvoir d’un moteur de recherche

Le moteur de recherche possède énormément de pouvoirs

Que les utilisateurs en soient conscients ou non, un moteur de recherche a un impact considérable sur eux, en ayant le contrôle des réponses à leurs questions. C’est le postulat de House of cards, avec l’idée que ce partenariat entre politique et moteur de recherche est si important qu’il pourrait renverser l’issue d’une élection. Mais comment ?

Dans la série, Pollyhop intervient en analysant les requêtes des utilisateurs, et en modifiant artificiellement les résultats de ces requêtes, en fonction des profils, pour les pousser à avoir une vision favorable du candidat républicain. Ainsi, l’entreprise collecte les requêtes et les informations personnelles de chaque individu, pour mieux comprendre ses centres d’intérêt principaux, ceux où il sera le plus sensible dans ses opinions. Avec cette information, le moteur de recherche peut renvoyer en réponse des résultats liés à cette affinité, mais en montrant le candidat républicain sous un beau jour, en veillant bien à ne pas afficher d’autres facettes. Ainsi, le moteur de recherche manipule les internautes en leur instillant une vision positive de quelqu’un jusqu’à influencer leur vote.

Ce scénario peut faire peur, en plus d’être techniquement possible.  Dans la réalité, cependant, on n’imagine que très peu Google prendre parti dans les élections présidentielles.

Néanmoins, pour les élections qui se jouent actuellement aux USA, l’équipe de campagne de Ted Cruz utilise une technique qui s’en approche, en concluant un partenariat avec l’entreprise d’analyses de données Cambridge Analytica. Ils analysent les données des partisans au parti via leurs profils sociaux publics entre autres pour dégager des persona et influer en fonction de leurs intérêts en faveur de Ted Cruz, dans la manière dont il va s’adresser à ces profils. Mais on a pu voir dans le cas présent que cela n’a pas suffi à renverser les votes en faveur de Donald Trump, presque officiellement investi candidat républicain à l’heure où l’on écrit ces lignes.

Un moteur de recherche peut avoir encore plus d’impact et de pouvoir sur les individus quand on sait à quel point son intelligence artificielle se développe et devient prédominante. C’est ce scénario qui est mis en scène par le film Ex-machina, qui dépeint un projet secret d’intelligence artificielle robotique mené par un moteur de recherche super-puissant. Si l’issue tragique du film peut faire peur, elle mène néanmoins à se questionner sur la puissance d’une AI, jusqu’où peut-on l’emmener ? Et en résonance, c’est ce mythe et cette peur de l’intelligence artificielle toute puissante qui resurgit, et devient de plus en plus prégnante quand on sait à quel point Google investit dans des technologies sur ce sujet (Rankbrain pour ne citer que cela).

Qu’en est-il de la vie privée ?

Des activistes anonymous brandissent un cercueil portant le nom de la vie privée

Avec toutes ces questions en tête, la série House of Cards met le pied en plein dans le débat de manière complètement assumée lorsque le candidat républicain, en réponse aux accusations croissantes de contrôle du moteur de recherche, avoue sans aucun complexe la vérité. A ce moment, il joue le jeu de la transparence en poussant le vice jusqu’au bout : oui je vous espionne, alors en échange vous pouvez également m’espionner, de toute façon aucune donnée n’est maintenant privée ! Le candidat républicain décide de se filmer en permanence avec sa famille, au sein de son domicile privé, et en permettant un accès public constant à toute la population.

L’enjeu est très grave, mais en même temps très contemporain : quel est le rôle de la vie privée aujourd’hui ? Existe-t-elle même encore ? Ne sommes nous pas tous finalement espionnés d’une manière ou d’une autre dans notre vie privée à force de connexion avec tous les appareils et internet ? C’es ce que nous apprend la pop culture aujourd’hui : le débat est virulent et tout un chacun se pose cette question.

C’était même déjà le cas en 2009, lorsque le documentaire néerlandais I love Alaska a été diffusé, relatant la fuite de l’historique de recherche de 650 000 utilisateurs du moteur de recherche AOL au public en 2006, mettant déjà alors en garde le public sur la sensibilité des données que l’on peut confier à un moteur de recherche.

La partialité en question : mais qui contrôle internet ?

le mythe du Big Brother de George Orwell dans 1984

La question finalement posée par la série ici est aussi éminemment éthique : qui pour contrôler un outil si puissant et toutes les données que nous y laissons ?

Dans House of Cards, le parti républicain possède le contrôle de Pollyhop, et dispose alors d’une influence inestimable auprès de tous ses utilisateurs. En miroir, le téléspectateur de la série ne peut éviter de s’interroger sur Google et sa partialité !

Il est admis que le géant américain n’est affilié à aucune mouvance politique particulière, mais peut-on pour autant considérer que l’entreprise est vraiment neutre ? Comment savoir si un certain contrôle venant de services secrets n’a pas eu lieu, comme le laissent entendre les pires scénarios conspirationnistes ? Et plus important encore : peut-on faire confiance à une entreprise privée dans l’utilisation d’un outil qui apparaît de plus en plus universel et indispensable au quotidien ?

C’est à la fois un fantasme et une phobie du « Big Brother » orwellien qui transparaît au travers de cette série, et qui préoccupe largement la société aujourd’hui.

Et le SEO dans tout ça, quelle place ?

Moteur de recherche utilisé dans la série Dexter

Le SEO a régulièrement été décrié par la pop culture au cours des dernières années dans d’autres séries. En 2011 la série Dexter de HBO met en scène un personnage qui propose d’utiliser un autre moteur de recherche que Google (voir l’image ci-dessus), qui « utilise un algorithme d’agrégation de contenu permettant d’éviter de se faire rouler par du SEO de merde » (en anglais « uses an algorithm to aggregate content without getting tripped up by SEO bull$h!t ») .
Cette même année 2011, la série The Good Wife de CBS traitait du sujet avec ce dialogue :

  • Avocat : « Je sais qu’ils le feront, mais le juge qualifiera votre travail comme non lié au crime » (« I know they will – but the judge will see your job as irrelevant to the crime »)
  • Le client : « C’est juste que… les gens détestent ce que je fais » (« It’s just… people hate what I do »)
  • Avocat : « Spam »
  • Le client (l’interrompant) : « du SEO » (« Search engine optimization »)

Vu comme une technique purement et simplement de spam il y a quelque temps, diabolisant le SEO comme une sorte de geek cherchant à détourner notre esprit, House of Cards ne vise pas directement le SEO comme étant mère de tous les maux. Et donc même si la côte du SEO auprès du public semble avoir meilleure figure, quand on analyse ici la situation de cette collaboration entre un homme politique et un moteur de recherche, on ne peut s’empêcher (comme vous l’avez sûrement déjà fait en lisant l’article) d’en faire une analogie du métier de consultant SEO. Finalement, ne s’agit-il pas de notre rôle d’être payé par une entreprise pour manipuler les résultats de recherche pour qu’elle remonte mieux et obtienne les clients à la place des autres ?

Sans que ce sujet ne soit traité directement par la série, on se sent forcément visé par l’enjeu éthique et déontologique : oui il s’agit de manipuler les résultats de recherche. La différence avec la série en revanche, est qu’il s’agit d’un accord à vocation commerciale entre plusieurs acteurs. Alors qu’un politique a pour rôle de servir les citoyens, une entreprise a pour rôle de vendre.

Il n’en reste pas moins que cela ne dédouane pas d’une réelle précaution éthique à prendre dans notre métier, bien sûr il s’agit de vendre, mais pas de vendre son âme au diable ! Alors peut-on vraiment tout faire dans la manipulation de l’algorithme ? Il est bien évidemment question de techniques black hat par exemple, l’enjeu étant d’agir avant tout dans l’intérêt du public. Parallèlement se pose la question de pour qui faisons nous ce travail : peut-on chercher à positionner tout le monde sans regard de la qualité de leurs produits ? Mais c’est aussi une question que, finalement, se posent tous les publicitaires…

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